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T'as le bonjour d'Alfred !!
30 septembre 2009

Roman l'évadé

 

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Roman Polanski a toujours été un exilé.

 

Polanski a la bougeotte, c’est ce qui l’a souvent sauvé. Né à Paris en 1933 il quitte la France dès quatre ans pour Varsovie. Enfermé dans le ghetto de Cracovie, il échappe à la déportation. Diplômé de l’école de cinéma de Lodz, devenu jeune un cinéaste reconnu internationalement, il part en Europe de l’Ouest. Il noue de solides amitiés à Paris (notamment Claude Berri et le scénariste Gérard_Brach) mais s’installe à Londres, le Londres vibrionnant des années 1960 (le Swinging London de Blow up et de David Bailey). Transition logique : Hollywood le réclame dès 1968. Ce sont les années dorées, insouciantes et baba cool. Les années du technicolor, du LSD et des piscines blanches de Beverly Hills.

 

 

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Roman travaille à Londres au scénario de son prochain film lorsqu’un coup de téléphone lui signifie la fin des années hippies, la clôture butale de la première partie heureuse de sa vie. L’assassinat atroce de la femme de sa vie, l’actrice Sharon Tate, enceinte de huit mois, et de trois amis, par le gang de Charles Manson.

 

Polanski y survivra mais son œuvre ne retrouvera une sérénité que 15 ans plus tard. L’enfant prodige traine une odeur de scandale, les tabloïds se jettent sur lui. Entretemps, après des tournages en Europe et un chef d’œuvre de la décennie (Chinatown), il aura fui les Etats-Unis pour la France, suite à un procès pour viol sur mineure qu’il abandonne en cours. Un documentaire récent, Roman Polanski Wanted and arrested permet d'y voir plus un peu plus clair dans le caractère particulier de la faute et de ses accusateurs, à la recherche de publicité.

 

Polanski a toujours été un cinéaste choquant par sa vision pessimiste de la nature humaine. Angoissant, moqueur, indépendant. De quoi irriter les bien-pensants. Il est à son tour mis en accusation. Pour quel motif ? Il ne faut pas oublier quand même que la mineure avait treize ans (qui le soutient aujourd'hui) et qu’aux Etats-Unis depuis trente ans il est considéré comme un fugitif.

 

Pourquoi s’attarder sur la vie de Polanski ? Parce qu’elle semble aussi folle que son œuvre et l’éclaire de beaucoup. En 1984, son autobiographie était intitulée tout simplement « Roman »

 

Comme de nombreux cinéastes, Polanski ne peut être réduit à sa personnalité de réalisateur. Il est dessinateur, a débuté sur les planches comme comédien (activité qu’il reprendra à l’occasion en jouant dans les années 1980 au théâtre En attendant Godot et Amadeus, et par de petits rôles dans ses films ou ceux des autres comme Grosse fatigue de M.Blanc). C’est également un sportif accompli, amoureux du ski, d’où sa passion - mal rendue- pour la Suisse.

 

Ce n‘est pas un cinéaste assis, contemplatif, mais un petit homme hyperactif. Ses films épousent souvent la forme du thriller ou du fantastique, pleins d’angoisse, d’énergie et d’humour noir.

 

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(avec Nicholson sur le plateau de Chinatown)

 

Ses personnages lui ressemblent : pourchassés par le malheur, au bord de l’abîme, mais animés d’une grande vitalité. Comme lui ils se débattent et ils courent. Comme lui, ses personnages sont hantés par l’évasion.

 

Ils sont prêts à tout pour éviter l’enfermement définitif de l’abandon (Cul de sac ou Frantic), du vampirisme (Le Bal des Vampires), de la damnation (Rosemary’s baby), de la corruption (Chinatown), de l’impuissance (Lunes de fiel ), du viol (Quoi ?), de la torture (La jeune-fille et la mort ) et de l’Holocauste (Le pianiste)

Le monde de Polanski a une véritable architecture, un monde fermé. C’est un labyrinthe de huis clos, plein de couloirs malsains, de sous-sols fétides et d’appartements sans issue.

Son œuvre met souvent le spectateur mal à l’aise car elle présente le Mal directement, ne le montrant sous un visage grotesque que pour mieux le supporter (le diable de Rosemary, les satanistes de La neuvième porte font moins peur que Noah Cross dans Chinatown).

 

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Nicholson et John Huston en Naoh Cross (Chinatown)

Voire y succomber. Car son cinéma est également parcouru par une flamme malsaine que nie tout son individu : la tentation de céder. S’abandonner à la Folie (comme son Macbeth, Deneuve dans Répulsion et Polanski lui-même dans Le locataire). Ou parfois succomber à la tentation du mal, car le meilleur moyen de survivre à l’enfer est de s’en accommoder (Rosemary’s baby, La neuvième porte).

En connaissance de cause, chez Polanski, souvent le Mal triomphe. Mais les faibles peuvent survivre. Comment ? Par le pittoresque, le grotesque, la fête, bref l’incongru, et la créativité. Ce n’est pas pour rien que le survivant de la barbarie à Varsovie est un jeune pianiste… et que plusieurs de ses films relèvent du burlesque (Le Bal des Vampires, What ?ou Pirates)

 

 

Au moment de lui remettre un prix d’honneur, la Suisse lui passe les menottes. En quelque sorte, cela reste dans le ton. La justice américaine le rappelle cruellement à sa condition d’éternel évadé. Comme ses personnages, Polanski n’a jamais cessé d’être cet enfant poursuivi, cet Oliver Twist du ghetto, qui fait la nique aux méchants. Roman s'échappera-t il encore?

 

 

 

Voir :

Le site officiel sur Polanski

Les films de Polanski disponibles en DVD

 

 

 

 

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